samedi 3 janvier 2015

À l'orée de la nuit, Charles Frazier.

Dans l’Amérique des Sixties, au fin fond des Appalaches où elle vit retranchée, loin des soubresauts du monde, Luce, jeune femme farouche et indépendante, se voit confier la charge des jumeaux de sa sœur défunte. Ayant vu leur père, Bud, une brute épaisse, assassiner leur mère, les orphelins traumatisés se sont réfugiés dans un mutisme inquiétant, où sourd une violence prête à exploser à tout moment. Patiemment, Luce va tenter de réapprendre la vie à ces deux écorchés vifs, et elle-même de reprendre goût à l’amour et à la compagnie des hommes. À celle, en particulier, de Stubblefield, nouveau propriétaire des terres où elle s’est établie. Mais leur idylle est menacée par le retour de Bud, blanchi du meurtre de sa femme et bien décidé à retrouver le magot que les deux enfants, croit-il, lui ont volé. C’est le début d’une longue « nuit du chasseur » : un western d’une beauté crue et crépusculaire, où Charles Frazier se révèle une fois de plus, après l’immense succès de Retour à Cold Mountain, comme l’un des grands romanciers des espaces américains. 
 
Première lecture de l'année et ça commence bien!  Il faut dire que j'étais loin d'être craintive en choisissant Charles Frazier.  Si Retour à Cold Mountain m'avait énormément plu en film, Treize lunes avait été un roman assez fort pour que je me souvienne de l'auteur plus de 6 ans après avoir lu son dernier roman! 
 
"Vautrés dans l'herbe de la berge, face au soleil, ils communiquèrent à leur manière et tentèrent de se rappeler Lily.  La couleur de ses cheveux, ses yeux.  Les matins glacés où ils rejoignaient sa chambre en courant et, tout frissonnants, se glissaient dans son lit.  Comme elle était chaude!  Elle sentait l'herbe mouillée, les feuilles mortes.  Les souvenirs restaient vagues, simplement sa présence et son absence.  Un fantôme qui ne vous veut aucun mal, mais ne peut vous faire aucun bien.  Une belle brume blanche.  Ils gardaient ces souvenirs dans leur mémoire comme dans des boîtes.  Certaines, ils étaient heureux de les ouvrir quand il les désiraient, d'autres demeuraient closes et obscures." (p.144-145)
 
Lorsque Luce récupère les enfants de sa sœur, elle ne se doute pas qu'elle se dirige tout droit dans le mur.  Celui de la complicité de jumeaux enfermés dans un silence inquiétant.  Ils ont tout vu le jour de l'assassinat.  Le paragraphe ci-haut exprime parfaitement le seul héritage qu'il conserve de leur maman.  Apprivoiser des enfants terrorisés et en deuil est plus qu'un défi.  Impossible de remplacer celle disparue, Luce le sait.  À sa manière, elle les rassure.  Avec constance, elle leur enseigne la vie en montagne.  Avec lucidité, elle conserve une certaine distance. Et nous sommes témoins de cette relation houleuse...
 
Lorsque je lis Charles Frazier, je me transporte dans des paysages majestueux et montagneux où on abat le serpent à sonnette à coups de pistolet et où on peut croiser un ours sur sa pelouse.  Son domaine est sauvage, ses villages reculés et ses personnages bien campés. Ses histoires sentent la terre, le sang... le danger rôde dans ces décors rudimentaires.  Un certain romantisme englobe également ses romans.  Je ne parle pas ici de longues roses rouges et de boîtes de chocolat, mais plutôt de lenteur, d'humour et de respect dans les relations entre les hommes et les femmes.  Dans le rôle de Maddie, l'auteur a su faire une place aux anciens et dans le rôle de Bud, aux bootleggers pour le trafic d'alcool et autres substances illicites.  À l'orée de la nuit, c'est un bon roman américain sur une époque bien précise dans l'Histoire américaine.
 
Charles Frazier, moi je le range tout juste à côté de Jim Harrison.
 
ISBN: 9782246802426

2 commentaires:

Anne a dit...

Tu me tentes très fort !

Jules a dit...

Anne: Alors, laisse-toi tenter! :)